17 décembre 2010

Côte d'Ivoire - Fin des élections truquées en Afrique?

Les événements consécutifs à la tenue du deuxième tour de l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire le 28 Novembre ont de quoi ébranler la situation vécue les 20 dernières années sur le continent africain, s'agissant de l'organisation des élections. La mobilisation de la communauté internationale et les pressions actuellement exercées sur le régime de Laurent Gbagbo font croire, que les donnes sont en train de changer. On est tenté de soutenir cette idée, à moins que le cas ivoirien ne soit particulier.

Depuis le début des années 90 et les exigences de démocratisation ça et là proclamées sous forme de conditionnalité de l'aide ou d'autres privilèges en matière de politique internationale, on n'a jamais vu les Nations Unies et les grandes puissances mondiales s'impliquer avec autant d'ardeur. Les élections, même si elles donnaient lui à des interventions sous forme de déclarations (souvent sibyllines)  pour apprécier la crédibilité ou non d'une consultation électorale, celles-ci n'ont jamais occasionné dans un quelconque pays tant d'engagement direct, de discours dépouillés de jargons diplomatiques et de pressions si incisives pour obtenir l'effectivité du changement dicté par les urnes.

Je passe sous silence les conditions internes de déroulement de cette élection ivoirienne. De mémoire de démocrate africain, les habitants de ce continent ne se sont jamais sentis si liés au sort d'un peuple. Au lendemain du premier tour, la Côte d'Ivoire donnait l'impression d'innover, de faire émerger sur ce territoire ouest-africain, une gouvernance qui ne pourrait pas ne pas contaminer le reste du continent. On en était si fiers... Et le débat entre le président sortant et son challenger avait fini par confirmer ce qu'on savait: sur ce continent aussi, il y a des hommes politiques valeureux capables d'avoir de la hauteur dans les idées et les engagements. Ce qui est surprenant, c'est qu'il n'y avait pas que les Africains qui avaient ce sentiment. Les élections ivoiriennes étaient devenues l'affaire du monde entier. Cela n’a rien à voir avec les richesses prétendues de la Côte d’Ivoire ; parce qu’il y a des pays potentiellement plus riches dont les égarements électoraux n’avaient jamais ému autant.

La position des Nations Unies était aussi une nouveauté. Le Représentant Spécial du Secrétaire Général est un homme courageux et dévoué. Le rôle joué par l'ONUCI dans cette consultation, la position prise par le Secrétaire Général puis par le Conseil de Sécurité (après quelques tergiversations, certes) puis les déclarations des dirigeants des grandes puissances mondiales étaient inouïs. Les positions exprimées et régulièrement soutenues par Obama, Sarkozy et d'autres dirigeants sont à encourager. Le fait que la CEDEAO puis l'Union Africaine aient décidé sans ambages de reconnaitre la victoire de Ouattara a confirmé au final que l'affaire ivoirienne était l'extrême préoccupation pour tous.

Mais alors, on doit se demander s'il en sera ainsi désormais en Afrique. Parce qu'il y a toujours eu des élections truquées sur ce continent. Les cas du Kenya, du Zimbabwe, du Togo, du Nigeria, de l'Égypte, du Gabon, du Cameroun, du Tchad et d'autres encore sont encore frais dans les mémoires. En attendant le dénouement dans le pays d'Houphouët Boigny, il faut espérer qu'un renouveau dans la géopolitique prend racine en Afrique et que les élections ne seront plus nulle part un formalisme de gérance locale.

Dany K. AYIDA

15 commentaires:

À 18 décembre, 2010 , Anonymous Anonyme a dit...

Pour moi c'est quand même un viol de la souveraineté nationale d'un pays avec une ingérence de la communauté internationale, l'Afrique n'est pas prête d'être indépendante!!!!!!!!

Daniel Sory

 
À 18 décembre, 2010 , Blogger Unknown a dit...

Les Ivoiriens se sont fait la guerre et ont fait appel à la communauté internationale pour les aider. Des milliards ont été investis dans la résolution de cette crise. Il n'y a aucune espèce d'ingérence. Je travaille sur des élections en Afrique depuis des années. Quand les dictateurs font des fraudes et martyrisent leurs peuples, les opposants se sont souvent tournés vers l'ONU et l'UE pour les assister. Pour une fois que la communauté internationale s'y est mise, on ne peut s'en plaindre.

 
À 18 décembre, 2010 , Anonymous Anonyme a dit...

Rien n'a été fait dans les règles et l'ONU n'a jamais rien résolu dans le monde, ni empêché de conflits: LIBAN, RDC, RWANDA etc............
La RCI a une constitution qui est très claire et il n'est pas fait mention de l'ONU pour donner le résultat des élections!!!

Daniel

 
À 18 décembre, 2010 , Anonymous Anonyme a dit...

1. A mon avis, trois questions méritent d'être posées.
Tout d'abord, le Conseil constitutionnel s’est-il comporté comme le juste garant des lois de la république de Côte d’Ivoire ? Ensuite, la Certification des résultats par le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations-Unies constitue-t-elle une ingérence dans les affaires intérieures de la Côte d’Ivoire ? Et enfin, quelle issue acceptable à cet enlisement institutionnel et politique ?

2. Précisons au préalable qu’il est inopportun de comparer la Côte d’Ivoire à un Etat où les principales institutions fonctionneraient normalement. Pour preuve, l’une des causes lointaines de cette crise ouverte réside dans l’instrumentalisation de la Constitution : l’article 35 de la Loi fondamentale, organisant les conditions d’éligibilité des candidats à l’élection présidentielle, cristallise à lui-seul le concept d’ivoirité. A sa prestation de serment en 2000, la première déclaration du président élu Gbagbo consistait à clamer qu’il s’opposerait à toute modification du texte litigieux. C’est dire la prudence qui doit être observée à l’égard de ceux qui sanctuarisent es Lois qui sévissent en terre ivoirienne.

3. Cela étant, il est vrai que le Conseil constitutionnel, organe régulateur des pouvoirs publics, est la juridiction compétente pour connaître du contentieux électoral ; mieux il lui revient de proclamer les résultats définitifs du scrutin présidentiel. Et arme fatale, ses décisions sont insusceptibles de recours ! Pourtant, il est permis de douter de la sincérité de la Haute juridiction et ce, pour deux raisons.

4. D’une part, l’un des principes fondateurs imposés à toute juridiction concerne l’obligation de motiver de manière circonstanciée la décision émise. Or, à la lecture de son arrêt, le Conseil constitutionnel n’avance de manière argumentée et étayée aucun élément décisif pouvant justifier l’annulation des suffrages exprimés dans les 7 départements du nord ivoirien : plus de 600.000 voix. Pis encore, le Conseil constitutionnel ne donne pas effet à la loi dont il est le gardien. En effet, en proclamant Laurent Gbagbo vainqueur de l’élection du 28 novembre 2010, les juges constitutionnels ont procédé à l’annulation du scrutin dans le nord du pays où ils avaient estimé, sans l’argumenter à suffisance, l’existence de « fraudes massives ».

5. Or, l’article 64 du Code électoral ivoirien précise que :
« Dans le cas où le Conseil constitutionnel constate des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité du scrutin et à en affecter le résultat d'ensemble, il prononce l'annulation de l'élection.
La date du nouveau scrutin est fixée par décret en Conseil des ministres sur proposition de la Commission chargée des élections.
Le scrutin a lieu au plus tard quarante cinq jours à compter de la date de la décision du Conseil constitutionnel ».
L’organisation d’un nouveau scrutin s’imposait dès lors.

6. En clair, l’hypothèse d’une annulation d’ampleur du scrutin (13% des suffrages exprimés) suivie de proclamation des résultats définitifs n’est même pas envisagée par la loi électorale ivoirienne. Donc le Conseil constitutionnel controversé que d’aucuns érigent en « Saint des Saints » méconnaît dangereusement les textes en vigueur en république de Côte d’Ivoire, en l’occurrence l’article 64 modifié du Code électoral.

D’autre part, la précipitation (à peine quelques heures) avec laquelle le même Conseil constitutionnel a rendu son arrêt, alors qu’il disposait de 7 jours calendrier, est à même de conforter la sourde suspicion de putsch électoral conçu et orchestré par le camp du président sortant Laurent Gbagbo.
(A suivre...)

Josélito Missodey

 
À 18 décembre, 2010 , Anonymous Anonyme a dit...

(Suite du commentaire précédent)

7. Venons-en à la Certification. Oui, il est vrai que dans les principes, les États sont seuls souverains; oui il n'est pas contesté que le Conseil constitutionnel représente, dans les pays républicains, la juridiction suprême en matière constitutionnelle et de régulation des pouvoirs publics. Toujours en nous fondant sur les principes généraux du droit public international, les Nations-unies ne peuvent inférer dans les affaires internes à un Etat indépendant.

Toutefois, l'ensemble de ces principes et règles admettent un tempérament dans le cas ivoirien. En effet, depuis le déclenchement de la crise, les différents acteurs politiques du pays y compris le président L. Gbagbo, avait bon gré mal gré, accepter l'ingérence de la communauté des nations dans les affaires originairement exclusives aux Ivoiriens.

8. C'est ainsi que différentes Résolutions du Conseil de sécurité de l'Onu avaient imprimé l'empreinte de la Communauté internationale au processus de sortie de crise. Pour preuve, c'est une Résolution onusienne qui a organisé les pouvoirs du Premier ministre d'alors, M. Konan Banny. C’est également une Résolution onusienne qui assuré le maintien au pouvoir d’Etat de M. Laurent Gbagbo. Et c'est dans cette perspective que les mêmes acteurs avaient accepté d'adjoindre une étape supplémentaire au processus électoral: la Certification. D’ailleurs, c’est le gouvernement de Gbagbo qui a formalisé cette option en adressant cette demande aux Nations-Unies.

Cette procédure jugée essentielle par les protagonistes de la crise en accord avec l’ONU, ressortissait à la seule compétence du Représentant du Secrétaire Général de l'Onu dans le pays, le Sud-Coréen M. Choi. Destinataire des procès-verbaux au même titre que la CEI, il lui revenait donc, selon les termes des accords consentis par l’ensemble des acteurs politiques ivoiriens, à donner son « onction », à certifier ou non les résultats proclamés en dernier lieu par le Conseil constitutionnel. Dès lors, les cris de vierges effarouchées poussés par les nouveaux chantres de la souveraineté des Etats africains confinent plus à la manifestation d’une indécrottable mauvaise foi qu’à un discours avant-gardiste.

9. Au milieu de ce champ de bataille en devenir, il importe de débusquer une issue sinon pacifique, du moins conséquente avec les faits et l’Histoire. Pour ce faire, permettez que j’emprunte le clin d’œil historique servi par Béchir Ben Yahmed dans l’hebdomadaire Jeune Afrique n°2605 du 12 au 18 décembre 2010 :

« En avril 1961, dans une situation comparable, fort de sa légitimité, un certain général de Gaulle avait d’emblée pris l’offensive contre une rébellion similaire et, en peu de jours, l’a réduite (…)

« L’éloquence de son discours et l’efficacité de son action sont stupéfiantes. Lisez :
« Un pouvoir insurrectionnel, coupable d’usurpation, exploite la passion, provoque l’adhésion enflammée d’une partie de la population qu’égarent les craintes et les mythes… Ses auteurs ne voient et ne comprennent la nation et le monde que déformés à travers leur frénésie. Ils font montre d’un savoir-faire expéditif et limité ; leur entreprise conduit tout droit au désastre national. Je demande que tous les moyens, je dis bien tous les moyens, soient employés pour barrer la route à ces hommes, en entendant de les réduire. J’interdis d’exécuter aucun de leurs ordres ».
(Suite du commentaire précédent)
10. A la suite de Béchir Ben Yahmed, je fais partie de celles et ceux qui croient qu’il est venu le temps de la fermeté. Aucune autre issue n’est possible ni même souhaitable. La médiocrité des actions et la petitesse des valeurs ne doivent plus avoir droit de cité dans aucun recoin de notre Mère Afrique. La Côte d’Ivoire n’y fait pas exception.

Josélito Missodey

 
À 18 décembre, 2010 , Anonymous Anonyme a dit...

Dan, chaque fois que la communauté internationale s'implique dans une crise, c'est pour y foutre la merde. Selon, Ouattara et Bédié devraient ils aller à cette élection? Je crois que pour une meilleure transition, il fallait laisser ces has been sur la touche. Ouattara était hors circuit, la communauté internationale l'a réintégré. Comme il est le fourrier de cette communauté internationale, qu'elle fasse tout pour envoyer une armée pour le remettre au pouvoir.

Tony Feda

 
À 18 décembre, 2010 , Blogger Unknown a dit...

Là, je ne suis pas d'accord avec toi Tony. Tu oublies que la communauté internationale (y compris la CEDEAO et l'UA) n'ont pris leur position actuelle qu'après le deuxième tour et suite au tour de force de Gbagbo. Avant cela, l'essentiel s'était joué dans les urnes. Gbagbo n'a pas été bien inspiré. Invalider des votes dans les fiefs de son challenger pour prétendre avoir gagné. Que fais-tu des résultats de la CEI? On ne peut pas analyser la situation actuelle en oubliant que les Ivoiriens se sont prononcés. Après leurs institutions ont dévié, obligeant l'extérieur à se mêler de ce qui nous regarde tous. That is the reality, my friend!

 
À 18 décembre, 2010 , Anonymous Anonyme a dit...

Avec de tels raisonnement c'est pas pour demain le changement en Afrique!!!!!!!!!
Mon commentaire s'adresse à Joselito évidemment, d'accord avec toi Tony

Daniel Sory

 
À 18 décembre, 2010 , Blogger Unknown a dit...

Il se joue en RCI une carte de géopolitique internationale dont vous ne pouvez cerner la portée en analysant les acteurs isolement. Observez la suite des événements et vous comprendrez.

 
À 18 décembre, 2010 , Anonymous Anonyme a dit...

Évidemment qu'il se joue en RCI une carte géopolitique et je dirais même l'avenir de l'Afrique entière.plus que cela si la communauté internationale arrive par malheur à imposer son diktat, vous n'imaginez même pas la suite en Occident.Ce sera la fin des libertés individuelles et des 2tats souverains. La RCI n'est qu'un test!!

Daniel Sory

 
À 18 décembre, 2010 , Anonymous Anonyme a dit...

Je peux vous dire que même en France les élections ne sont pas démocratiques, pour la simple raison que les élus ne sont plus les représentants des électeurs et par conséquent du peuple. Il y a une tentative de prise du contrôle global des peuples et vous limitez votre raisonnement à des élections qui ne sont plus maintenant qu'un outil de manipulation.Le monde a changé et la manipulation des masses est en route depuis longtemps!!!

Daniel S.

 
À 18 décembre, 2010 , Blogger Unknown a dit...

La souveraineté dont vous semblez faire l'apologie n'a point de valeur que pour les rêveurs militants des extrêmes... Moi Africain engagé dans la démocratisation de nos pays vous dis que je préfère l'ingérence internationale à la férule des potentats qui prennent nos peuples en otage et pillent nos ressources. Regardez la Grèce et l'Irlande chez vous qui sont sous perfusion de la communauté internationale. Quels choix ont leurs dirigeants? Certains crient à la violation de la souveraineté. Nous vivons dans un monde global. Les mêmes valeurs sont partagées partout. Et si la CEDEAO et l'Union Africaine pensent comme moi, je dis bravo! l'Afrique bouge... Somme toute, je ne cherche pas à vous faire changer d'avis.

 
À 18 décembre, 2010 , Anonymous Anonyme a dit...

Salut Dany!
J'ai lu ton article avec intérêt. C'est une analyse intéressante. Elle a l'avantage de transcender le factuel pour poser un problème de fond: le comportement de la communauté internationale face au jeu politique dans les pays africains. Le monde est régi par des rapports de forces et des intérêts. Ce serait une vue de l'esprit que de croire que ce continent ait des valeurs hors des grands principes internationaux. Les mêmes injustices commises ici, ont cours ailleurs également. C'est à nous Africains de savoir défendre nos intérêts qui ne sont pas antinomiques avec ceux de l'occident. Du reste, moi je m'appuie sur les positions de la CEDEAO et de l'UA qui sont sans équivoque. Je suis pour qu'une force ouest-africaine soit envoyée à Abidjan pour restaurer la vérité des urnes. Cela n'a rien à voir avec Gbagbo ou Ouattara. Nous devons nous faire respecter et éviter que nos peuples aient leur sort entre les mains des individus qui ne pensent qu'à se repaitre avec leurs complices.
Comme tu le dis si bien, nos institutions régionales doivent étendre ces valeurs à tous les pays du continent. Tant mieux si l'ONU et les grands pays du monde sont avec nous dans ce combat!

Anoko

 
À 05 janvier, 2011 , Anonymous Alex GL a dit...

Bonjour Dan,
tu demandais ce qu'on fait des résultats de la CEI ? Pour toi le fait que la CEI proclame un résultat est-il donc suffisant; nonobstant même les conditions ? Pourtant chez toi tu pars en guerre contre les résultats de ta CEI. Je me trompe?
Gbagbo est faible contre les coalisés de la CEDEAO c'est pourquoi tout ce bruit. Si Godluck Jonathan du Nigeria( qui fournit l'essentiel de la force ecomog) fait la même chose dans trois mois; personne n'en dirait rien.Sako met la pression tout en affirmant que les français ne s'ingererons pas !!!!
Dans cette affaire, les paramètres sont si imbriqués, les éléments à prendre en compte si diffus que toute prise de position devient un choix subjectif. C'est cela qu'il faut assumer. Tu as choisi, je vois, tu prétends avoir raison, je vois...ce n'est que ça.

 
À 05 janvier, 2011 , Anonymous Alex GL a dit...

Je concède toutefois qu'on ne peut savoir(avec conviction-tu es acteur)qu'untel a gagné et est triché et refuser par la suite toute intervention qui rétablirait le gagnant dans ses droits au nom d'un chauvinisme ou je ne sais quoi en produisant des discours sur la Communauté Internationale. Sur ce point précis je m'accorde à toi.
C'est toujours un plaisir de te lire.
Bonne et heureuse année.

 

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