27 mars 2006

Combat de libération et combat politique

Si la pensée et la raison atteignent la perfection exigée par la finalité, l'action s'impose de soit. Malgré la petitesse du pays et de sa population, la plupart de ceux qui s'investissent dans l'action publique n'ont qu'une vision étriquée du peuple réel. Le Togo et les Togolais souffrent d'une crise de la pensée qui, conjuguée avec les ambitions des acteurs engendre une parfaite anarchie qui pousse les gens et les initiatives les plus insignifiants à se prendre pour crédibles et définitivement incontournables. Il faut voir mes présentes réflexions sous forme d'interrogations et d'introspection. Comme d'autres, je me retrouve dans les ténèbres de ces phantasmes, sans doute subjugué par cette piété que tous nous avons pour la patrie, Terre de nos Aïeux, l'Or de l'Humanité, et d'autres attributs encore...

J'aimerais qu'on parle des "libérateurs du Togo". Pourquoi tant de concitoyens s'intéressent-ils depuis si longtemps à la situation du pays et que malgré cela nous soyons restés à la première condition du bas étage de la démocratie? Ma question s'adresse autant aux militants et dirigeants des partis politiques qu'aux acteurs (prétendument) indépendants de la société civile et de la diaspora. Je commence par expliquer la raison fondamentale de mon engagement personnel: né durant l'apogée de la dictature, heureusement éduqué aux principes de liberté, je suis profondément convaincu que seule la démocratie est capable de favoriser le développement et la prospérité de notre peuple. Or le régime RPT (de père en fils) est par nature anti-démocratique. Il est donc hors de question d'entrevoir des réformes ou des accommodements endogènes dans un tel système. La dévotion patriotique et le bon sens m'enjoignent donc de m'engager pour le changement intégral de ce régime et pour l'avènement d'une démocratie viable. C'est la motivation intrinsèque de mon combat aussi bien dans la presse indépendante que dans les organisations citoyennes du pays et de la diaspora.

Je découvre que la raison principale de l'échec des efforts et des sacrifices consentis pour la démocratie au Togo est l'amalgame entretenu au sein des organisations pro-démocratiques sur la finalité de nos engagements. Parti politique ou société civile, organisation interne ou de la diaspora on s'est trop peu préoccupé de savoir si l'orientation prise et les actes posés répondent au souci de libérer politiquement le pays ou par un jeu de levier à celui de remplacer uniquement les dirigeants actuels. La nuance n'est peut-être pas évidente pour certains. Je voudrais emprunter les idées que je tire des échanges que j'ai eus cette semaine avec un ami, grand patriote , pour expliquer la chose. "Moi je suis de ceux qui croient, comme toi d'ailleurs, que le combat de libération n'est pas un combat ou à la fin l'on aligne les trophées gagnés ou des postes que l'on doit nécessairement occuper. Le combat de libération est un combat d'abnégation et de sacrifice. Il faut nécessairement le séparer de tout combat politique ou l'objectif à terme à mon sens, est la conquête du pouvoir. Si cela est clair dès le départ que l'on lutte pour le pouvoir comme moyen d'expression et d'accomplissement d'une idéologie politique, on doit s'attendre à avoir le pouvoir pour le prouver. C'est le cas des partis politiques de notre pays aujourd'hui." (sic)

Cela devrait se passer de commentaire. La part de cafouillage des partis politiques togolais - il faut les plaindre plutôt que de les critiquer - c'est qu'ils sont obligés dans un contexte très hostile de se comporter comme des organisations légales fonctionnant dans un système démocratique libéral, reconnaissant et protégeant les droits civils et politiques. Et puisqu'il n'ont que le suffrage universel comme outil de mesure de leur capacité d'action, le système leur impose des élections; des simulacres d'élections pour tout dire. Et c'est à cela qu'aboutit toute tentative de dialogue! Ces partis, aussi faibles qu'ils paraissent face au système d'oppression du régime militaire en place se servent parfois malgré eux des populations civiles comme bouclier. Ce n'est pas ce qui explique les tueries d'Avril 2005 ; on y reviendra plus tard...

La situation est pire au sein de la communauté des Togolais de l'extérieur. La diaspora togolaise - c'est trompeur d'en parler au singulier - est une grande force potentielle mais foncièrement rendue inadéquate du fait de son inorganisation et de sa conception parcellaire du jeu politique. Je me passe des clubs de soutien des partis politiques qu'on retrouve dans presque toutes les grandes capitales occidentales. C'est dans l'ordre des choses, paraît-il. Sans dévoiler un secret, on reconnaît un dynamisme et un activisme extraordinaires à certains compatriotes hors du pays dans le sens des initiatives de libération. Pour qui s'est quelque peu intéressé à ces choses-là, on y découvre aussi une confusion à la limite de l'inconscience. Des groupuscules, voire des individus confortablement englués dans des projets grandiloquents se prennent à rêver d'entreprendre de libérer le Togo et d'en être capables à eux seuls dans des circonstances surréelles. Ils se contredisent, s'entre-combattent et étalent un tel amateurisme que des pays favorables à la cause se réduisent à les consoler plutôt que de les soutenir. Le pire c'est quand ces initiatives n'ont aucune emprise sur le terrain réel ou quand en les suivant, on se retrouve au salon du leader d'une formation politique. En vérité, s'ils en viennent à se comporter ainsi, c'est que ces concitoyens sont plus souvent inspirés par les dividendes personnels de leurs actions que par l'engagement patriotique libre au but bien défini. C'est aussi la raison des antagonismes au sein des diasporas. Or le combat de libération, comme le dit si bien mon ami, est un combat d'abnégation et de sacrifice!

Le seul moyen d'entrevoir une lutte de libération dépouillée de calculs personnels mesquins, c'est de (re)construire le mouvement démocratique sur des promesses nouvelles. Cela n'oblige aucunement au "rassemblement de tous les démocrates et affidés". Seul un mouvement cohérent ayant fait toutes les preuves de crédibilité et de représentativité triomphera des obstacles naguère vécus. C'est une question de dévouement et de conviction. C'est aussi une question de courage et de discipline. Il y en a heureusement qui l'on compris et qui y travaillent.

Dany Ayida,
27 mars 2006.

20 mars 2006

Je ne crois pas en la capacité des partis politiques à construire la démocratie

Ce sujet n’est pas pour plaire à tout le monde. Mais pourquoi continuer à entretenir le silence sur une question qui semble au cœur même de l’imbroglio politique togolais du moment ? Je ne veux pas parler de la compétence des leaders des partis politiques togolais. Je ne suis pas intéressé non plus par leur bilan politique, quoique insignifiant. Le problème est que les partis politiques ont réussi à annihiler la capacité du peuple togolais à s’organiser (autrement) pour arracher la démocratie. Je veux simplement donner deux raisons qui vont vous convaincre. La première est qu’au lendemain du soulèvement populaire d’octobre 1990, nous avions réussi à bousculer sérieusement la dictature en place grâce aux mouvements sociaux. S’il y a eu une conférence nationale, c’est parce que le peuple dans ses diverses composantes l’avait exigée et en avait payé le prix. Par contre la gestion calamiteuse de ces assises et de la transition qui a suivi a été du ressort exclusif des partis. Il en était né des dizaines… Le deuxième exemple se rapporte à la gestion de la crise née de la mort d’Eyadema et de la mobilisation populaire pour le retour à la légalité constitutionnelle. Le Collectif de l’opposition a monopolisé cette mobilisation, traitant la société civile et la diaspora comme une quantité négligeable. Mais au fond, s’il y a eu une mobilisation de cette ampleur, ce n’était pas à l’actif des machines des partis. C’était le travail à la fois informel et structuré des organisations de base en relation avec une partie de la société civile organisée.

Les partis politiques togolais sont prêts à se saborder. Le dialogue est devenu la nouvelle aubaine devant laquelle les partis, même ceux qui paraissaient les plus crédibles sont prêts à se compromettre. Ils n’ont pas tort du reste. A voir les choses de prêt, ils n’ont plus d’autre alternative. Aussi curieux que cela puisse paraître, ces formations politiques ont été créées pour fonctionner dans un système politique pluraliste ouvert, transparent et démocratique ; ce qui n’est pas le cas du Togo. A plusieurs reprises, le peuple dupé a voulu concrétiser sa légitime aspiration à la liberté par le biais des urnes. Il a échoué. Alors on est en droit de se demander comment les partis pourront-ils obtenir par le dialogue ce qu’ils n’ont su avoir par les élections, leur unique mode d’expression en matière de conquête du pouvoir. A moins que la démocratie ne soit pas leur revendication, je crois sincèrement que les partis politiques et leurs dirigeants doivent démissionner de ce combat.

Les enjeux de la démocratisation du Togo restent constants. Tout comme il a été démontré que les élections truquées ne résoudront pas la crise politique, il faut admettre que les associations politiques ne sont pas habilitées à apporter aux Togolais la démocratie qu’ils méritent. Aucun accord politique ne peut valablement remettre en cause les soubassements du régime contre lequel s’établira le nouvel ordre politique. Car la démocratisation au Togo s’entend inévitablement d’une remise en cause systématique des hommes et de leurs pratiques.

Il faut repartir sur les bases des revendications citoyennes qui fondent le mouvement démocratique togolais. Les forces citoyennes du pays et de la diaspora doivent pouvoir imaginer et porter le projet de libération qui fera lever chez nous le soleil du renouveau. Si un tel courant arrive à triompher au sein de nos différents groupes de réflexion, il est sûr que les partis réellement démocratiques – du point de vue de l’engagement – se rallieront à la dynamique. Cette force, nous la puiserons dans la société civile et au sein de la diaspora. Elle ne peut opérer que si les Togolais se départissent de cet ego flagorneur qui a toujours annihilé nos initiatives. C’est-à-dire que ni Dany ni Abalo n’auront le droit, quelle que soit la pertinence de leur position ou de leurs idées, de revendiquer quelque privilège qui ne leur est attribué et reconnu au regard des règles qui gouvernent l’ensemble. En terme clair, nos actions tendent à devenir illisibles et inefficaces parce que nous sommes trop pressés d’être reconnus leaders. Il y a trop peu de citoyens engagés qui sont dépourvus de projet innovant dont la réalisation va par delà leur personne. Je suis personnellement perdu quand je vois tant de « libérateurs du Togo » dont on ne voit guère le sens ni la portée de l’action.

En contournant la barrière des partis, il est possible de remodeler notre lutte de libération, avec plus de chance de succès.

Dany Ayida

06 mars 2006

Repenser la politique au Togo

C'est fini, les hommes et les femmes engagés pour un vrai changement démocratique au Togo ont diagnostiqué leurs problèmes et les raisons des échecs passés. Le seul cap qu'on n'arrive pas à franchir est celui de la redéfinition des stratégies pour le changement, l'alternance, la renaissance du Togo!

Je crois que personne ne doit se laisser berner par des perspectives trompeuses de ce dialogue. Il appartiendra aux Forces Citoyennes de préciser en son temps les modalités et les conditions du dialogue qui va réhabiliter pas les acteurs politiques fautifs; mais le peuple meurtri. Le partage du pouvoir par delà l'instauration d'une démocratie véritable est un leurre. S'y associer est une félonie.

J'aimerais bien qu'on échange sur la question, si ça vous dit.

Dany

03 mars 2006

Que devient donc le dialogue intertogolais?

Décidément les partis politiques togolais ne savent comment se comporter face à l'offre de dialogue de Faure et son comparse Edem Kodjo. Il y en a qui posent des conditions; il y en a d'autres qui réchignent; d'autres encore, prétendument pragmatiques, font des propositions de surenchère. Au fond personne ne semble avoir à redire sur le principe du dialogue. Les positions divergent plutôt sur des questions de fond: l'ordre du jour, la facilitation, le lieu, les participants...

Tout cela semble normal du reste.Ce qui est remarquable, c'est le parfait désordre qui règne au sein de cette opposition. Chaque parti défend ses couleurs. Il n'y a pas de concertation entre les "grands leaders". Certaines formations n'ont même pas de position claire. Entre leur attitude sur le terrain et les déclarations qu'ils font, il y a un fossé. Tous savent que ni leurs militants ni les Togolais de l'extérieur et encore moins la société civile n'entendent pas apporter de caution à ces négociations. Aussi certains soufflent-ils le chaud et le froid...

Individuellement, les partis d'opposition ne pèsent rien. Ceci est vraiment valable pour tous; y compris d'ailleurs pour l'UFC dont les responsables ont parfois tendance à croire le contraire. Pour preuve, les négociations secrétes que mènerait son "grand leader" avec Faure sont ni plus ni moins une bombe à retardement. La divergence dans tout ce tohu-bohu réside dans les ambitions des uns et des autres. Disons-nous la vérité: si le fondement du dialogue se rapporte à la définition des conditions d'organisation des législatives, alors il est faux et n'intéresse aucun opposant. Pas même Zarifou et Edem! Par contre s'il s'agit de partager les cartes du gouvernement futur, c'est-à-dire créer les conditions d'une collaboration sur fond de réconciliation, alors il y a matière à gesticuler. Tous ces messieurs devenus vieux et ayant essuyé tant d'échecs veulent goûter au pouvoir avant de mourir. Ils en négocieront l'entrée, à tout prix.

C'est la position contraire qui est celle des mouvements citoyens dont le CRDT a traduit toutes les revendications dans son dernier communiqué. Pas question de dialoguer pour faire plaisir à qui que ce soit. Le pouvoir en place est illégitime. S'il le reconnaît, il doit créer les conditions pour un dialogue sans exclusif. Sinon, on pourrait retourner le sens de l'offre de négociation; avec des conditions plus alléchantes pour ceux qui ne doivent plus diriger notre pays.

Dany Ayida