19 mars 2011

Togo: 20 ans de démocratisation au rabais

De quoi donc souffre-t-on au Togo pour toujours faire les choses à reculons? Pourquoi est-il impossible depuis ce qu'on appelle prétendument "ouverture démocratique" que les Togolais s'accordent sur de vraies réformes politiques et sociales afin que la direction des affaires publiques satisfasse à la volonté et aux réelles convictions de la population?  Ces interrogations s'imposent à nouveau au regard de l'initiative prise par le régime en place de restreindre le droit de regroupement et de manifestation publique.

On a vu la proposition de loi de Bodjona Pascal, adoptée par le gouvernement Houngbo en conseil des ministres: elle est fidèle à l'orientation que le RPT donne aux affaires de ce pays depuis 20 ans. On a aussi vu les réactions de quelques partis politiques et organisations citoyennes. Je me réserve pour le moment de les commenter. Ce qui me choque par contre, c'est cette constance devenue rédhibitoire qu'ont les dirigeants au pouvoir de toujours tirer le pays vers le bas. Voici cinq (5) arguments pour vous en convaincre :
  1. La transition démocratique augurée par la conférence nationale de Juillet-Août 1991 a été cadenassée par l'armée acquise au clan dirigeant qui  en a remis en cause les institutions;
  2. L'alternance au pouvoir balisée par la Constitution de 1992 a été viciée par la réforme adoptée par l'Assemblée nationale monocolore du RPT en 2002, laquelle institua une élection présidentielle à un tour et un bail sans limite au sommet de l’Etat ;
  3. La désignation des membres de plusieurs institutions publiques: cour constitutionnelle, Haute Autorité de la Magistrature, CENI, HAAC, Cour des comptes et d'autres, fait la part belle aux tenants du régime dans le seul but de conserver leur mise sur l'appareil d'Etat;
  4. Les recrutements dans la fonction publique tout comme dans les projets se font sur une base politique, excluant de fait les opposants et des milliers de jeunes qui ne doivent leur salut qu’à l’exil, la délinquance ou des métiers sans avenir ;
  5. 5. Des centaines de professionnels togolais sont exclus dans la gouvernance nationale, car leur idées vont à l’encontre du système en place ; en conséquence, l’Administration en place est profondément médiocre et incompétente.
Ces quelques exemples (et il en existe d’autres) démontrent que le régime n’est toujours pas ouvert à la démocratie réelle. L’alternance au pouvoir est impossible dans ces conditions. Les Togolais de partout sont interpellés. La solution et la seule que je vois  a trois sorties :
  1. Rompre (au niveau individuel) tous les liens partisans et inscrire tout acte d’attachement au pays dans une perspective citoyenne.
  2. Engager les Togolais des villes, des campagnes et de l’étranger dans un mouvement de contestation permanente du régime illégitime et ne pas arrêter avant sa chute.
  3. Développer des passerelles entre les citoyens du pays et de la diaspora et mettre à contribution tous les réseaux internationaux.
  4. Inscrire le changement de régime dans un timing précis et engager toutes les forces citoyennes vers la réalisation de ce BUT commun.
Le Togo à nouveau est face à son destin. Va-t-il à nouveau gâcher cette chance ? J'en doute.

04 mars 2011

Leçons de révolution pour l'Afrique noire

On en parle. Deux régimes parmi les plus forts d'Afrique du Nord sont tombés par la volonté de leur peuple. D'autres pouvoirs dans la région son menacés: Libye, Algérie, Yemen, Jordanie, etc... Et du coup des regards se tournent vers les pouvoirs autocratiques toujours en place au sud du Sahara. Ces régimes qui ont résisté aux changements démocratiques des années 90 et qui continuent à régenter des peuples éprouvés par des décennies de lutte. L'Afrique noire sera-t-elle perméable au vent de révolution qui souffle sur le monde arabe?

Manifestation à Tunis
Il va sans dire que les peuples africains ne sont pas insensibles aux changements qui ont commencé en Afrique du Nord. Que les Tunisiens et les Égyptiens aient réussi à faire abdiquer leurs dictateurs, rien qu'en se mobilisant et en persistant dans leurs exigences fait déjà des émules. Mais au delà de toute assimilation hâtive, il importe d'analyser les facteurs qui ont rendu possibles ces révolutions-là et essayer d'en tirer des leçons.
Des spécialistes mettent l'accent sur deux éléments majeurs qui ont rendu possible le grand élan des peuples tunisiens et égyptiens. Il s'agit d'abord de l'existence dans ces pays d'une nouvelle génération de jeunes bien formés, mais en rupture avec le système de gouvernance dans leurs pays. S'ils ne sont pas au chômage, ces diplômés vivent en marge du système socio-politique qui les régente. Ces jeunes représentant entre 25 et 30% de la population ne sont pas forcément politisés. Ils vivent la même réalité du désenchantement face à une classe politique vieillie et statique qui ne leur offre aucune perspective. Des études réalisées dans cette région du monde ont d'ailleurs montré que la majorité d'entre eux ont un niveau d'éducation appréciable.

Le deuxième facteur se rapporte aux avantages des nouvelles technologies. L'Internet, la téléphonie, les chaînes de télévision satellitaire qui leur permettent de communiquer plus facilement.  La Tunisie est une référence sur le continent en matière de nouvelles technologie. Ils ont permis à la population grâce aux réseaux sociaux de se mobiliser. Ceci se conjugue avec d'autres facteurs pour donner un faisceau d'indicateurs qui ont favorisé le clash révolutionnaire. Voici quelques statistiques que propose le magazine Time dans sa livraison de Février:
- 56% des jeunes arabes utilisent l'Internet chaque jour;
- 54% considèrent que la télévision est la source d'information la plus sûre;
- 15% croient pouvoir lancer leur propre affaire l'année prochaine;
- 67% sont préoccupés par l'augmentation du coût de la vie;
- 30% quitteraient leur pays s'ils le pouvaient;
- En Afrique du Nord, 6 personnes sur 10 ont moins de 30 ans. 

Cette tendance n'est pas très différente de la situatio dans les pays du Sud du Sahara. C'est cette frange de la population qui au Caire comme à Tunis a été le fer de lance des mouvements qui ont conduit au changement. Le dénouement a été rendu possible par un autre élément non négligeable: l'Armée. C'est parce que les militaires en Tunisie et en Egypte ont pris position pour les manifestants que le changement a été possible. Mais l'Armée au Niger n'est-elle pas en train de sauver la démocratie dans ce pays?

Il serait toutefois hasardeux de vouloir reproduire telles quelles les révolutions nord-africaines dans les pays du sud du Sahara. Les systèmes politiques par ici quoiqu'ayant les mêmes faiblesses structurelles reposent parfois sur des socles différents... Le niveau de vie des population et les manipulations ethniques pourraient être des freins. Il est cependant possible que chaque pays d'Afrique noire imagine sa façon de faire adhérer son peuple à une nouvelle dynamique qui apporterait ce changement. Des révoltes pourraient intervenir si elles s'organisent à l'intérieur des groupes sociaux, sur la base de valeurs partagées. La conscience citoyenne est indispensable pour alimenter cet engagement patriotique qui permet à des gens dévoués à leur patrie d'être prêts à s'offrir pour le bien commun. Cela demande de la méthode...

Les révolutions nord-africaines ont ouvert les yeux aux peuples africains qui n'ont pas d'autre choix que de parachever les changements à la réalisation desquels biens de sacrifices avaient été consentis plusieurs années déjà.